Depuis longtemps déjà, je passe les fêtes dans le Nord, au chalet. Cette année, j’y suis arrivé plus tôt qu’à l’habitude, seul avec mon fils de 18 mois, Marcus. Je me sens alors vraiment bien, relax, je me repose, je dors et je joue avec mon fils, tout va à merveille, je suis enfin en vacances. Le soir du 22 décembre, je navigue sur les différents médias sociaux lorsque j’aperçois un message qui m’ébranle. Je crois que quelqu’un qui œuvre dans le domaine du développement personnel s’est fortement inspiré de mon travail pour ses besoins professionnels, et ce, après avoir assisté à une de mes conférences cet été. Je me souviens de cette personne, elle était assise en première rangée et prenait des notes. J’ai l’impression d’être victime de plagiat.
Je suis atterré, blessé et toutes sortes de pensées négatives me viennent à l’esprit; j’ai l’impression qu’on m’a volé ma propriété intellectuelle. La méditation ne m’aide pas du tout, et dans les jours suivants, je suis incapable de dormir. Je suis envahi par ces pensées qui ne me quittent pas, jusqu’au matin du 25 décembre, quand je vois mon petit Marcus ouvrir ses cadeaux. Je comprends alors de façon intuitive qu’il y a sûrement un cadeau dans cette épreuve.
Le temps était venu de changer mon image de conférencier et ma stratégie pour rendre mon message encore plus accessible et facile à communiquer. Le lendemain, je m’assois à la table avec les membres de ma famille qui sont présents et nous faisons tous ensemble un remue-méninge portant sur mon image de marque. Après quelques heures de travail, je me sens alors satisfait de ce que nous avons accompli. Je suis comblé, rassasié, et je suis de nouveau en vacances, je peux à nouveau dormir.
Le 28 décembre, je suis de retour à Montréal pour enseigner le yoga au studio. J’ai souvent dans mes classes des réflexions, des extraits de conversations dharma. Comme je l’ai déjà dit, je suis à la fois la thérapie et le thérapeute. Je partage ce que je vis et c’est souvent à moi que je parle. Ma réflexion du jour est alors : « Êtes-vous prêts à voir les épreuves de la vie comme un cadeau? » Je quitte le studio avec un sentiment de bien-être, nourri par la vie. Je prends la voiture pour revenir à la maison et je reçois l’appel de mon père qui était entré à l’hôpital le 26 décembre pour passer des examens. « Game is over, sir », me dit-il — un jeu de mots qui le représente bien. Un jeu de mots dont pourtant la teneur est absolument crue. Il m’annonce qu’il est gravement malade, atteint d’un cancer agressif. Je reçois ce coup de poing au ventre. Je suis dévasté de douleur, de peine et de chagrin. Ma tête me dit que c’est irréel. Mon cœur pleure. Je suis sans mots… Il n’a que 71 ans… C’est mon papa et nous sommes très proches. Complètement dévasté, je me demande alors : « Où est-il, le cadeau, dans cette épreuve de la vie? » La mort fait malheureusement ou heureusement partie de la vie.
Pendant les 18 jours qui ont suivi, je suis allé voir mon père à son lit d’hôpital, sur son lit de mort, comme on dit. J’ai pu passer du temps avec lui tous les matins de ces derniers jours de vie. Nous avons parlé et pleuré à propos de tout. J’ai pu le remercier de ce qu’il avait fait pour moi, car il était un père exemplaire, et j’ai pu m’excuser de ne pas avoir été un fils parfait. Je lui ai aussi demandé conseil sur ma vie professionnelle et personnelle. Mon père, un homme sage, m’a permis de comprendre avec peu de mots ce que je devais comprendre. Nous avons également parlé de la mort, de ce qu’il pensait qui se passerait après, de ce qu’il attendait de moi envers les membres de notre famille et nous avons aussi parlé du cadeau.
C’est un cadeau instantané, mais qui s’intègre graduellement, ce qui veut dire que je ne comprends pas encore toute son ampleur avec ma tête, rationnelle, mais chaque jour qui passe, j’en absorbe de façon intuitive, en pleine conscience, une petite partie. Je vis maintenant le cadeau dans ma peine d’avoir perdu cet homme si précieux dans ma vie comme le reflet de l’amour que j’ai eu pour lui et qu’il a eu pour moi : ma douleur est directement proportionnelle à ma chance de l’avoir eu comme père. Pendant ses trois dernières semaines à l’hôpital, ce fut également un cadeau de pouvoir lui parler consciemment dans la vérité. Le paradoxe, c’est que face à la mort, libre d’image et de rôle, se trouve un moment de vie pur, qui nourrit l’âme. Je vis aussi le cadeau de ses conseils si précieux et j’ai déjà fait des changements dans ma vie pour intégrer ce que j’en ai compris. De plus, il nous a laissé le cadeau d’une belle grande famille unie à tout jamais.
Comme je n’avais jamais perdu quelqu’un d’aussi important dans ma vie, j’ai donc reçu le cadeau de pouvoir sentir de la compassion et de l’empathie pour tous ceux qui vivent ou ont vécu cette épreuve; j’en ai même profité pour m’excuser auprès de plusieurs personnes ayant récemment perdu des proches de ne pas avoir bien senti leur peine à l’époque.
La vie humaine est une suite d’épreuves; c’est la façon dont nous décidons de voir ces épreuves et d’agir qui détermine la qualité de notre vie. Je ne suis pas encore rendu au point de me souhaiter des épreuves pour mieux grandir et évoluer, mais j’accepte de ne pas vivre dans la polarité et oui, je suis prêt à voir les épreuves de la vie comme un cadeau. Ma pratique spirituelle rend maintenant possible de cultiver des émotions près du cœur telles la compassion, l’empathie, la gratitude et la bienveillance, et cela même dans des conditions défavorables, ce qui peut m’apporter de petits moments de bonheur et une vie heureuse. Namasté.