Notre vie est une série de choix. Certains sont conscients, plusieurs sont inconscients, mais chacun est motivé par une de ces deux tendances : la peur ou le plaisir de se réaliser. J’ai récemment soupé avec mon vieux chum Pierre-Luc; en 25 ans, c’était seulement la troisième fois qu’on se voyait, mais c’était comme si rien n’avait changé. Tout était comme à l’époque, celle où l’on était presque des frères, à se côtoyer tous les jours.
Le cœur : source de force
Le titre de ce texte est une phrase de son cru. J’ai retenu cette phrase puisqu’elle le décrit à la perfection. Pierre-Luc est certainement un des hommes les plus forts physiquement que je connaisse. Bien qu’il soit doté d’une carrure, et de toute une, sa force, son vrai pouvoir, provient de son cœur.
Son cœur, c’est un des plus grands qu’il m’a été donné de rencontrer et, à mon sens, c’est exactement dans son cœur qu’il puise le courage d’être aussi fort. Bien sûr que, lorsque nous étions plus jeunes, cette force a pu se manifester quelques fois physiquement, mais il a toujours et à tous moments été présent pour ses amis, sa famille, pour ceux qui ont et ont eu la chance de le côtoyer.
Certes, Pierre-Luc est un grand sensible, mais il semble que pour lui la peur n’existe pas. Et c’est certainement pour cette raison qu’il a souvent l’impression de se retrouver la tête sous l’enclume. Au quotidien, il laisse toute la place à son cœur, là où il trouve le courage d’agir de façon intuitive, sans permettre à son esprit rationnel d’y faire obstacle.
Tomber, sans avoir peur, et recommencer, plus fort
Comme toute personne humaine, sa vie est une série d’épreuves, certaines plus douloureuses que d’autres, tant professionnelles que personnelles. Président et propriétaire de sa propre compagnie, il œuvre dans le domaine du divertissement. Après la crise de 2008, il s’est mis sous la protection de ses créanciers pour faire face à la dure réalité économique dans son domaine. Il s’est vite relevé, motivé par le plaisir de se réaliser, non par la peur.
Aujourd’hui, seulement quelques années plus tard, il règne au sommet mondial dans son domaine. Son entreprise emploie 500 personnes, opère des bureaux partout dans le monde et réalise un chiffre d’affaires annuel dans les 9 chiffres. C’est un succès de grande envergure; je suis impressionné et vraiment curieux d’en savoir plus. Bien sûr, je parle avant tout à mon ami, mais le gars de Wall Street en moi est tout près, comme le gars qui coache des présidents de compagnie. Enfin bref, avec grand intérêt, je le bombarde de questions.
Quand la peur guide
Et puis, j’ai eu envie de savoir quelle sera sa prochaine étape, ce qu’il envisage en tant que dirigeant. À ma question, il répond qu’il souhaite faire des acquisitions dans le but de devenir le plus imposant dans son industrie, le premier. Pourquoi ? Sa réponse est floue… mais il semble vouloir dire qu’il ne veut pas être menacé par la concurrence et qu’il vise le pouvoir afin d’être seul au sommet.
J’ai continué de le questionner et de l’écouter, pour finalement discerner que sa décision me paraît plutôt être motivée par la peur, par l’insécurité et par un manque de contrôle sur sa destinée; ce qui n’est pas habituel chez Pierre-Luc, mais qui peut être normal. Souvent, les entrepreneurs sont très courageux, voire inconscients, au début de la croissance de l’entreprise, alors qu’ils n’ont rien à perdre; tandis que, lorsqu’ils sont parvenus à un certain succès, et donc qu’ils ont davantage à perdre, il est possible que la peur s‘installe…
Je suis à son écoute, évidemment humble devant lui et son succès. Puis, je lui fais part de mon observation : l’intention derrière les acquisitions dont il parle, serait-elle plutôt guidée par la peur que par le plaisir de se réaliser ? Il semble y trouver un sens et acquiescer.
Sans lunettes, sans peur
C’est souvent quand la peur domine les décisions d’un entrepreneur que ce dernier se met, lui ou son entreprise, dans le trouble. Le but premier d’une entreprise est de répondre à un besoin, autrement elle ne pourrait exister.
L’entreprise qui connaîtra le plus grand succès est celle qui, d’une part, a bien identifié les besoins, sans les lunettes des désirs et sans être aveuglé par la peur, et aussi qui réussit à combler ces besoins avec ce qu’elle a réellement à offrir. S’ensuivra alors un cercle vertueux et non vicieux. Il est primordial pour un entrepreneur ou un dirigeant de bien comprendre l’intention derrière ses actions et même ses inactions.
Vraie vérité : vrai besoin
Plus tard dans la soirée, Pierre-Luc me parle de sa femme, combien elle est incroyable, et me raconte qu’elle se consacre à un travail humanitaire. Il me confie qu’il aimerait, lui aussi, sauver le monde, mais qu’avec ce qu’il a dans cette vie, il pense ne jamais réussir à le faire.
Il a tout en son pouvoir, avec ce cœur immense, pour contribuer à sauver le monde, à sa propre façon. C’est ce que je lui fais alors comprendre. Il ne s’agit pas de se réinventer, de tout quitter et de s’engager dans une mission humanitaire en Afrique ou en Inde, travailler dans un Ashram ou autre. Il s’agit plutôt de comprendre notre code de valeurs, nos forces et notre propre talent, et de permettre à la vraie vérité de traverser nos yeux pour y voir les vrais besoins.
Pierre-Luc a la chance d’avoir ce courage, ce pouvoir, cette force qui lui permet de vivre la plupart du temps libre de la peur. Nous agissons ou réagissons souvent de façon à combler nos besoins, mais lorsque nous ne sommes pas conscients de l’intention derrière nos gestes, nous comblons nos besoins avec des moyens de qualité faible ou non optimale.
L’intention suprême
C’est ainsi que je l’amène à réaliser que son objectif ultime est de sauver le monde à sa façon; c’est son intention suprême. Son objectif n’est pas de vouloir contrôler son industrie et ses compétiteurs (par peur). Il a un talent unique dans son industrie : tous les projets qu’on pense impossibles à réaliser (avec un esprit fermé), Pierre-Luc trouve une façon de combler les demandes les plus folles de ses clients, sans s’attarder à tout comprendre dès le départ avec son esprit rationnel. Il fonce; tout est possible ! Cet avantage compétitif lui donne une longueur d’avance sur n’importe qui dans son domaine.
Je lui explique que le besoin de divertissement existe réellement – et qu’il est grand –, ce partout dans le monde; il fait un bien extraordinaire aux gens, qu’ils soient en Asie, en Amérique du Sud ou en Europe. En participant à rendre le divertissement plus agréable et plus accessible à l’échelle mondiale, il rend des gens heureux et contribue à sa façon à sauver le monde. De par l’ampleur de son talent et de son entreprise, il réussit à toucher des millions de personnes qui reviennent forcément tous un plus heureux à la maison après une activité divertissante. Dans le cas de Pierre-Luc, c’est certainement une bien meilleure façon d’utiliser son talent que de travailler dans un hôpital de brousse.
Riche de comprendre que son intention ultime est de continuer à sauver le monde avec ce qu’il a réellement à offrir, Pierre-Luc peut maintenant revisiter la question des acquisitions : est-ce que ces actions m’aideront à me réaliser et à contribueront à mon intention ultime ? C’est une bien meilleure façon d’aborder la stratégie d’une entreprise, plutôt que de fonctionner dans la peur, l’insécurité ou le contrôle. De cette façon, il agit avec toute la richesse de la sagesse du moment, sans se couper de son cœur et de ses pouvoirs, lesquels l’ont toujours bien servi.
Enclume
Nul ne peut contrôler l’avenir. Il y aura certainement d’autres crises, comme celle de 2008, qui amèneront leur lot d’enclumes pour certains entrepreneurs. Ces épreuves viendront avec des leçons qui feront grandir, comme ce fut le cas de mon vieux chum. Mais, si au quotidien notre intention derrière nos gestes est de réaliser notre intention la plus noble, avec ce que nous avons à offrir dans la vérité, loin de la peur, nous avons une vie riche et nous trouvons le courage de nous mettre la tête sous l’enclume, de renaître et recommencer, sans avoir peur. Namaste.