Dans mon livre Le courage de réussir, je partage mes parcours professionnel et personnel atypiques au cours desquels j’ai traversé plusieurs difficultés, plusieurs échecs et de nombreux succès. À travers mes épreuves, j’ai tiré plusieurs leçons qui m’ont amené à créer un processus en cinq étapes désigné par l’acronyme « ALVAC ». Cette méthode s’applique à tous, à tout moment et dans toutes les sphères de la vie humaine.
La pratique spirituelle nous permet de nous rapprocher de notre cœur et, ainsi, de trouver le courage pour arrêter d’avoir peur. Ce courage nous permet d’Accepter ce sur quoi nous n’avons aucun contrôle; de nous Libérer de nos croyances limitantes; de voir la Vérité, qui existe uniquement ici et maintenant; d’être à la fois l’acteur et l’Action pour finalement faire Confiance. ALVAC peut s’appliquer autant dans la vie personnelle, amoureuse ou familiale que dans la vie sociale, ainsi que s’étaler à court, moyen ou long terme. Voici un exemple tiré de mon livre illustrant l’application de ces cinq leçons de vie sur le plan professionnel.
Chez Morgan Stanley, à New York, mon supérieur se nommait TJ. C’était un personnage coloré, comme on peut en voir dans les films hollywoodiens sur la vie de Wall Street dans les années 1990. Il n’était pas rare de le voir se promener sur le parquet, qui était aussi grand qu’un terrain de football, avec une casquette qui disait : « I am a fool » (Je suis un idiot). Nous pouvions le voir se promener avec ses bottes de cowboy en crocodile et son vieux bâton de golf. Il travaillait son élan de golf entre les différents arbitragistes. Chef de pupitre des obligations américaines, TJ avait la réputation d’être le meilleur de tous, en tout cas le plus courageux. Il jouait bien son rôle : un dur, intimidant, qui n’hésitait pas à se moquer de qui que ce soit devant tout le monde.
Comme tout bon arbitragiste, il savait aussi reconnaître qu’il lui arrivait de se tromper. Il avait compris que, pour exceller dans ce domaine, il devait compter sur sa force intérieure, et non sur son ego, qu’il s’amusait à étaler. Il était loin d’être un méditatif, mais il était ouvert à l’existence d’un autre niveau de réalité. Pour être dans son équipe, nous devions lire toutes sortes de livres, dont certains touchant la spiritualité.
TJ sentait souvent ma nervosité quand je prenais une grosse position. J’avais beau penser que mes prévisions étaient justes, je ne réussissais pas à agir comme un samouraï des marchés financiers. Un jour, il m’a fait venir dans son bureau pour partager une leçon en forme de métaphore avec moi. Coiffé de sa casquette, ses bottes de cowboy sur son bureau et son bâton de golf pointé en direction de mon visage, il me dit : « Après que tu as analysé les marchés (Accepter), que tu as bien fait tes choix (Liberté), que tu as bien vu les risques associés à ta position (Vérité) et que tu t’es exécuté (Action), voici ce que tu dois faire. Tu te creuses un trou (un bunker), tu répands de petits biscuits tout autour du trou et tu laisses les rats manger les biscuits. Pendant ce temps, tu bois du Perrier (comme je suis Québécois, à New York, on me prenait souvent pour un Français) et tu penses que ton Perrier, c’est du champagne. Bois ton Perrier et laisse les rats faire ce qu’ils font. Toi, tu relaxes (Confiance). Si les rats repartent sans avoir mangé tous les biscuits, bravo! Sinon — et il s’approche de moi —, tu sors de ton trou, tu en creuses un autre et tu recommences. » C’était la première leçon du Bhagavad-Gita : sois détaché des fruits de l’action. Pour un gars qui se promène avec la casquette de l’idiot, il avait aussi compris, à sa manière, comment appliquer les cinq principes contenus dans l’acronyme ALVAC dans les marchés, ce qui faisait de lui un des meilleurs arbitragistes du monde.
Dans ce domaine, voici comment on se rend à l’action. Une fois que l’analyse des marchés est faite, de même que l’étude de risque pour bien comprendre les possibilités et bien évaluer combien on est prêt à risquer sur un tel pari, on place un ordre de vente de la position X à l’endroit qui représente la perte maximale qu’on est prêt à subir s’il s’avère que le marché va contre nous.
Les marchés ne bougent pas toujours dans la même direction que l’analyse macroéconomique ou que notre modèle l’avait prédit et ils peuvent rester irrationnels longtemps. Il est donc important de mettre des limites à ce que nous pouvons risquer… et puis de recommencer. Si nous ne perdons pas trop de capital émotionnel à nous torturer avec les mauvais coups, nous sommes capables d’être à nouveau dans l’action, à partir de notre essence, si de nouvelles occasions se présentent. Pour être bons dans ce domaine, nous devons revenir à la table de jeu, limiter les pertes et maximiser les gains de façon objective, et cela, aussi bizarre que ça puisse paraître, en se tenant dans la vérité.
Mon acronyme ALVAC, que je pratique au quotidien dans toutes les sphères de la vie humaine, me donne le courage de réussir, qui est, en fait, le courage de vivre ma vie, et non seulement d’y survivre.
TJ n’était vraiment pas un idiot.